mardi 18 septembre 2007

L'aristocratie patrimoniale : une nouvelle classe sociale ? (1)


N'ayons pas peur d'être schématique, c'est parfois plus utile pour comprendre. Sociologues confirmés, passez votre chemin, sinon je risque des volées de bois vert. En sociologie, il y avait jusqu'à un temps pas si ancien deux grandes façons de percevoir la réalité sociale (enfin c'est plus compliqué que cela, mais partons du commencement).


Soit on imagine que les différentes catégories sociales s'empilent les unes sur les autres, comme des strates, et que la hiérarchie s'établit en fonction d'un critère (ou plus), d'une valeur reconnue par tous. Prenons l'exemple le plus courant dans les représentations, l'argent. L'échelle se construit selon les revenus, et la valeur qui correspond c'est l'argent. Les strates sont alors organisées dans une certaine continuité (ne pas en avoir, en avoir un peu, pas mal, énormément). Il y a proximité entre ces strates : ceux qui sont dans celle du dessous n'aspirent qu'à monter, et ainsi de suite jusqu'au sommet. Il n'y a pas à proprement parler d'affrontement entre les strates.

L'affrontement, c'est l'autre façon de voir les choses : les groupes sociaux constituent des classes, avec la particularité d'être non seulement repérables par un ensemble de caractéristiques propres à chaque classe, mais également d'avoir conscience d'exister en tant que classe. Qui dit caractéristiques particulières dit intérêts particuliers à chaque classe. D'ici au conflit social il n'y a qu'un pas, qu'un certain Karl Marx avait franchi allègrement en son temps, en parlant de domination, d'alienation et de lutte des classes. Les bourgeois qui ont tout exploitent les prolétaires qui n'ont que leur force de travail, mais comme le capitalisme est petri de contradictions, le système court à sa perte : dans la lutte acharnée que se livre bourgeoisie et prolétariat, les derniers ne peuvent que vaincre les premiers (un jour je vous expliquerai), et c'est tant mieux parce que c'est le sens de l'histoire...

Et voilà, "ça n'a pas loupé" me direz vous, "dès qu'il parle de classes sociales, il faut qu'il embraye sur Marx, c'est pas possible, il peut pas s'en empêcher"... Et bien ça change, car tout change (eh oui, ensemble, tout devient possible, souvenez-vous !).

Si la sociologie marxiste avait largement contribué à la popularisation du concept de "classe sociale" dans les années 60, il semblait tombé en désuétude depuis la fin des années 80 et les années 90. Et puis depuis quelques années, voilà qu'il repointe le bout de son nez, mais avec une autre interprétation possible, à mi-chemin entre les deux précitées. Les sociologues qui souhaitent réhabiliter le concept de classe retiennent généralement trois critères pour déterminer si un groupe social s'apparente à une classe ou s'il n'est qu'un agglomérat d'individus.

Le premier critère est celui de la place dans le système productif, plus simplement la façon de contribuer à la création des richesses : est-ce que j'apporte du travail ? du capital ? les deux ? Et quelle est ma place dans la division du travail ?
Le second critère est celui du mode de vie : y a-t-il communauté des modes de vie ? Valeurs, pratiques, consommation... on retrouve ici un héritage bourdieusien, avec une sorte d'habitus de classe. Enfin, le troisième et dernier critère est celui de l'immobilité sociale : pour qu'il y ait classe il faut qu'il y ait une certaine stabilité (peu d'ascencions sociales, peu de déclassement) et une certaine homogamie (le fait de choisir un conjoint qui nous ressemble socialement).

Comme le rappelait si bien Notre Président il y a quelques jours, "un peu de méthode ne nuit pas à la résolution des problèmes".
A suivre...


Crédit photo : Nathan Gibbs sur Flickr

1 commentaire:

Denis Colombi a dit…

arf, moi aussi, je peux pas m'empêcher de parler de Marx par moment... Il est grand temps de le réhabiliter. On sera pas trop de deux. On s'y met ?