mardi 19 juin 2007

Quand le Danemark va TROP bien

Souvent cité en exemple pour son modèle social, le Danemark semble victime de son succès. Une sorte de déséquilibre de plein-emploi est en train de s'y produire : le plein-emploi du facteur travail les conduirait à un ralentissement de l'économie. C'est ce que rapportait Olivier Truc dans l'édition du Monde daté samedi 16 juin 2007.


Tout va très bien...
Après 3.2% de croissance en 2006, le correspondant du Monde, basé à Stockholm (s'il est tout seul pour couvrir tous les pays nordiques, il a du boulot : Suède+Danemark+Finlande+Norvège = 1 155 000km²), nous rapporte que les prévisions du ministère des finances danois tablent sur 2.6% pour 2007 et 1.6% pour 2008. Les patrons râlent car la compétitivtié du Danemark à l'international s'en ressent, et un pays qui compte un peu moins de 5.5 millions d'habitant ne peut pas compter sur sa seule demande intérieure. C'était déjà le cas il y a plusieurs décennies, l'accroissement des échanges internationaux a depuis renforcé cet état de fait : hors du commerce international, point de salut à l'heure de la mondialisation.

Le taux de chômage est au plus faible (3.7%), le taux d'emploi est au plus fort (78%), les capacités du Danemark en terme de main d'oeuvre disponible sont réduites à leur plus simple expression. C'est là le résultat de la flexicurité, système qui repose sur 6 piliers :
  • Centralisation des organismes de l'emploi et de l'aide sociale sous un seul ministère
  • Code du travail très allégé, très peu d'interventions de l'Etat dans la législation
  • Licenciement très facile pour les entreprises
  • Dialogue social développé entre patronat et syndicats puissants
  • Prise en charge des salariés par l'État en cas de chômage dans des conditions avantageuses
  • Fortes incitations à reprendre un emploi pour le chômeur (obligations de formation, suivi, sanctions financières...)
Une des solutions pour le patronat : revenir sur un des piliers du système, la prise en charge des salariés par la puissance publique en cas de chômage (elle est aujourd'hui de quatre ans, avec un taux de remplacement de 90%). Mais le président de la confédération syndicale LO ne l'entend pas de cette oreille : fort de ses 1.5 millions d'adhérents, il répète que "si on touche à un des piliers, le système s'écroule".

Que faire ?
Les départs à la retraite s'effectue à 65 ans aujourd'hui et devrait être reculé à 67 ans à l'horizon 2025. Alors quoi ? On va pas dire aux jeunes d'arrêter leurs études pour entrer précocément sur le marché du travail, alors que la stratégie de Lisbonne cherche précisément à faire de l'Europe "l'économie de la connaissance" la plus compétitive du monde ! Forcer les danois à accélérer le rythme des naissances ? Aucune politique n'y est jamais parvenu, tout au mieux on décale le calendrier des naissances, et quand bien même ils y parviendraient, les effets ne se ressentiraient que dans 25 ans... Il reste une politique d'immigration de la main d'oeuvre, sujet qui fait peur dès qu'on l'évoque. Et pourtant c'est bien là une des clés de la prospérité européenne pour les décennies à venir. Mais Olivier Truc rapporte également les propos de l'économiste en chef de DI, la plus importante organisation patronale danoise : "nous avons beaucoup de mal à recruter de la main d'oeuvre étrangère à cause du très haut niveau d'imposition du Danemark". Et oui, contrairement à ce que pensait N. Sarkozy, la France n'est pas le pays d'Europe aux prélèvements obligatoires les plus élevés, ce sont les pays du Nord de l'Europe.

Mais le raisonnement du représentant des patrons danois est plutôt étrange. Car la population immigrée qui arrive en Europe pour vendre sa force de travail et trouver des conditions de vie meilleures n'est pas vraiment celle qui compare les taux d'imposition entre les pays. Elle cherche le travail là où il est, et les systèmes qui intègrent le mieux. Or le modèle danois ne repose pas uniquement sur la flexicurité. C’est un modèle sociétal complet et complexe : le haut niveau de dépenses publiques (56.3% du PIB en 2004), avec une pression fiscale élevée (TVA à 25%, fort impôt sur le revenu) permet d'assurer un niveau important de dépenses sociales (32.5% du PIB). Les systèmes sociaux y sont universels, très complets, financés essentiellement par l’impôt. Ils sont très efficaces parce que simplifiés, réformés et décentralisés, et ce par une tradition de réformes continues, une culture de la négociation, un dialogue social très élevé (taux de syndicalisation à 85%) ; le tout associé à une politique active de l’emploi, un système globalement plus égalitaire (80% de la population touche 76.5% des revenus, contre à peine 72% en France), et une priorité mise clairement sur l’éducation, la formation et la recherche... Il faut vraiment être difficile pour refuser une telle terre d'asile.

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