jeudi 12 avril 2007

CPC ?


On vous parle de CPC, et vous pensez à votre vieil Amstrad. Ordinateurs révolutionnaires, jaune sur bleu pour les premiers écrans couleurs, processeurs 4Mhz et lecteurs de disquettes 3", ils fleurissaient sur les bureaux des années 80. Alors, CPC 464 ou CPC 6128 ?

Raté ! Le CPC c'est le Contrat Première Chance, contrat évoqué par Ségolène Royal lors de sa conférence de presse du 4 avril dernier, censé rapprocher les jeunes non qualifiés de l'emploi.

Quasiment un an jour pour jour après le retrait du CPE, les réactions n'ont pas tardé, notamment de la part des organisations de jeunesse. Les jeunes UMP d'abord ; dans la mesure où cette annonce est celle de la candidate PS, il fallait bien riposter. Mais on a également entendu des réactions à gauche, au MJS et à l'Unef pour ne citer qu'elles. Depuis lors, la candidate s'est efforcée, par la voix de Dominique Méda, la sociologue de l'emploi à qui elle a demandé de préparer ce projet, d'expliquer en quoi cela consistait vraiment. Erreur de communication politique, dans une campagne où aucun thème ne fait la une plus de 36 heures, il aurait fallu expliquer clairement dès l'annonce en quoi le CPC n'était pas "un CPE de gauche", et ne pas attendre 3 jours. Car le vendredi 6 avril, après la publication du rapport de D. Méda, les mêmes organisations qui avaient crié sans avoir mal se sont retrouvées à expliquer que leurs inquiétudes s'étaient envolés. Mais les medias étaient déjà passés à l'eugénisme de Nicolas Sarkozy, il était trop tard.

Le CPC n'est pas le CPE
Quelles sont les différences ? En premier lieu le CPC ne concerne pas l'ensemble de la jeunesse, il ne stigmatisme pas une génération entière de la population comme aurait pu le faire le CPE. Cette "convention de parcours" cible précisément les 120000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans aucune qualification autre que le brevet de fin de 3ème. Autrement dit ceux dont la survie sur le marche du travail est plus que compromise : 42% des jeunes non qualifiés sont encore au chômage trois ans après leur sortie du système éducatif, le chiffre tombe à 21% pour les titulaires de BEP/CAP, 11% pour les diplômés du supérieur. Le diplôme est encore le meilleur rempart contre le chômage. Preuve s'il en est, même pour les emplois les moins qualifiés, les jeunes les plus diplômés évincent ceux qui n'ont aucune qualification, job étudiant à l'année ou saisonnier.

Par ailleurs, les chiffres du Ministère de l'éducation nationale nous montrent qu'en 2004, quand 721 000 jeunes sortent du système soclaire, 118 000 n'ont aucun diplôme autre que le brevet de fin de 3e en poche, soit 16.4%. Plus globalement, en ce qui concerne la faiblesse des niveaux de formation de la population active, la France se situe très loin derrière le Royaume-Uni, et loin derrière l'Allemagne et les pays d'Europe du Nord. Rappelons que la "stratégie de Lisbonne", visant à faire de l'Europe une économie de la connaissance en 2010 fixe l'objectif de 10% de sortie précoce du système scolaire, pas plus. 2010, c'est dans deux ans et demi. Il y a donc une pertinence à cibler ces jeunes dont les taux de chômage n'ont rien de comparable avec ceux des jeunes diplômés.

Le CPC n'est pas le CPE aussi et surtout parce qu'il n'y a pas de licenciement possible sans sa justification par une "cause réelle et sérieuse". Or c'était là la principale critique adressée au CPE par la jeunesse mobilisée en 2006. Si l'employeur vient à se séparer abusivement du jeune recruté, donc à rompre la convention passée avec le jeune et les pouvoirs publics, il devra rembourser l'intégralité des aides publiques reçues. Cette disposition devra permettre de limiter les effets d'aubaine suscités par la mesure.

Enfin, le CPC n'est pas le CPE parce qu'il s'agit avant tout d'une convention s'appuyant in fine sur un contrat de droit commun : trois mois après l'embauche d'un jeune non qualifié, un bilan est réalisé avec son référent externe nommé par la Région, son employeur et lui-même. A partir de ce bilan est établi le niveau de formation requis pour être pleinement qualifié pour le poste qu'il occupe : contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, voire CDI si aucune formation particulière n'est requise. Au bout de douze mois, les contrats poursuivent dans les conditions habituelles du code du travail.

Combien ça coute ? Encore un contrat supplémentaire ?
"C'est bien joli un système comme celui-ci, mais combien ça va encore nous coûter..." : la rémunération d'un jeune, les cotisations sociales, le référent externe qui accompagne le jeune, etc... Les concepteurs de ce projet le chiffre pourtant à moins d'un milliard d'euros, car s'appuyant fortement sur une réorganisation des dispositifs existants, et surtout une redistribution différentes des 65 milliards d'euros d'aides perçues par les entreprises en provenance des pouvoirs publics. On peut penser que l'économie des revenus de transferts, revenus de solidarité perçus par cette population pourrait être substantielle. Pour information, si un Ministère de l'aide aux entreprises existait en France, il serait doté du plus gros budget, juste devant l'éducation nationale.

Les entreprises cibles sont les TPE, entreprises de moins de 10 salariés, parce qu'elles sont très présentes dans les secteurs dit "en tension" c'est-à-dire en pénurie de main d'oeuvre. Ce sont elles qui, à l'heure actuelle, embauchent le plus tout en rencontrant des difficultés pour trouver une main d'oeuvre dont la qualification peut tout à fait s'acquérir par l'apprentissage. Il s'agit de l'hotellerie-restauration et du BTP. Les limitations à un jeune non qualifié par entreprise et aux seules entreprises de moins de 10 salariés devraient là aussi permettre de limiter considérablement les effets d'aubaine.

Engager des vraies réformes structurelles
Le mérite d'une telle démarche c'est quelle est la composante d'une double réforme qui consisterait à :
Repenser le rôle des Régions qui prendraient là une place encore plus importante notamment dans le domaine de l'emploi. Il y a une vraie pertinence à décentraliser ces questions à des échelles plus restreintes que l'Etat, pour des questions de cohérence avec les bassins d'emploi, des questions de coordination avec les différents acteurs de l'insertion, de la formation professionnelle, acteurs que les Régions connaissent déjà bien.
Repenser les dispositifs d'entrée dans l'emploi, l'idée originale est de ne pas faire du CPC un contrat aidé supplémentaire mais un point de départ afin de décomplexifier les dispositifs d'aide consistant à rapprocher les actifs inoccupés de l'emploi. "Les employeurs se verraient ainsi proposer plus qu'un seul modèle d'emploi aidé, dont l'intensité d'aide serait variable en fonction de la distance à l'emploi du bénéficiaire", le CPC constituant la configuration maximale d'intensité d'aide.


On est donc bien loin du CPE. Depuis, François Chérèque (CFDT), Bruno Julliard (UNEF) l'ont reconnu. Ces deux organisations se sont dites rassurées, voire intéressées par la formule. Mais bien peu de média font écho de cela. Par exemple, Jean-Michel Aphatie (RTL, Canal+) est persuadé de sa pertinence de commentateur politique quand il nous apprend que certains dirigeants socialistes ont renommé le CPC Contrat Première Connerie. Pourquoi n'a-t-il pas préféré opposer les propositions des différents candidats en matière d'insertion des jeunes non qualifiés, pour nous montrer quelles sont les philosophies qui les sous-tendent ? Non, il a préféré une petite phrase de couloir. Mais où est le fond dans tout ça ? Vous me direz, on est peut-être pas loin de le toucher...

Update
Retrouvez Benjamin Vetelé, vice-président de l'Unef, interrogé par LCI sur le CPC.


Update 2
Jacques Auxiette, Président de la Région Pays de la Loire, nous livre sur son blog ses impressions sur le Contrat Première Chance

2 commentaires:

Anonyme a dit…

super article! au moins j'irais pas chercher l'info plus loin :-) pour le capes sciences éco (je veux voir un de tes cours plus tard ca sera marrant lol genre "je vais vous expliquer pourquoi il y a un poster de keynes au fond de cette salle :-)") mes conseils marchent pour l'attitude devant le jury mais pas forcément pour l'épreuve didactique ou épistémologique que vous avez...je sais pas en tout cas bonne chance!

Manuel a dit…

très belle note. Bienvenue dans la blogosphère. Pourvu que ça dure !