lundi 30 avril 2007

Tout est dit !

Une occasion historique

Nous, salariés du secteur privé et du secteur public, entrepreneurs, professionnels de santé, enseignants, chercheurs, appelons tous les citoyens français à saisir l'occasion unique qui nous est donnée de choisir une voie nouvelle associant les aspirations et les talents de tous ceux qui souhaitent que la France change sans pourtant renoncer à ses traditions et à son génie propre.

Aujourd'hui, nous sommes enfin une majorité dans ce pays à souhaiter un changement et des réformes profondes permettant de tirer parti des nouvelles réalités du monde moderne au lieu de les subir.

Nous sommes enfin une majorité à penser que la France est capable, comme plusieurs de ses grands voisins européens, d'adapter son modèle économique et social et son économie pour devenir plus performante sans faire porter aux salariés les moins qualifiés le poids de cet ajustement.

Nous sommes enfin une majorité à vouloir que ces changements soient fondés sur l'accord, négociés avec les partenaires sociaux, soumis à la délibération publique, mis en oeuvre par des échelons territoriaux réorganisés. Nous sommes enfin une majorité pour mettre en oeuvre une mondialisation équitable et profitable pour tous et pour faire de l'Europe l'instrument d'un monde juste, pacifique et écologiquement durable.

Nous sommes enfin une majorité à vouloir que le pays noue avec ses entreprises un nouveau pacte, fondé sur la responsabilité sociale, l'innovation, la qualité de l'emploi. Nous sommes enfin une majorité à vouloir un Etat impartial, solvable, maîtrisant la dette et l'équilibre des finances publiques, soucieux d'une dépense publique utile et efficace.

Aujourd'hui, nous avons enfin la possibilité de moderniser en profondeur la démocratie, d'inventer une social-démocratie à la française et d'avancer ainsi d'un cran vers une Europe capable d'affirmer son identité et ses valeurs fondatrices.

Aujourd'hui nous sommes une majorité à croire que la puissance publique doit être à la fois protectrice et active, forte et efficace. Apporter nos suffrages à Ségolène Royal le 6 mai, c'est faire le choix : d'une réforme profonde, sereine, délibérée et équilibrée de notre modèle économique et social ; de la priorité donnée à l'investissement dans l'éducation, l'innovation et la qualification ; d'un effort décisif et nouveau en direction des entrepreneurs et des PME ; d'une rénovation profonde de nos institutions politiques et de notre usage des fonds publics ; d'une approche qui concilie croissance et développement durable.

Apporter nos suffrages à Ségolène Royal le 6 mai, c'est faire le choix de la modernité, du changement et de l'avenir.


Figurent notamment parmi les premiers signataires :

Philippe Aghion, économiste ;
Martine Bidegain, conseil GRH ;
Denis Clerc, économiste, fondateur d'Alternatives économiques ;
Daniel Cohen, économiste ;
Jacques Delors, économiste ;
Frédéric Duval, directeur de Territoires publics, membre du Centre des jeunes dirigeants ;
Roger Fauroux, ancien président du Groupe Saint-Gobain ;
Philippe Grangeon, cadre dirigeant ;
Gaétane Hazeran, dirigeante de CMC Plus, présidente d'Action'elles ;
Axel Kahn, généticien ;
Marie-Thérèse Join-Lambert, administratrice d'association ;
Jacques Lebas, ancien président de Médecins du monde ;
Maxime Legrand, entrepreneur ;
Olivier Le Marois ;
Jacques Maillot, fondateur de Nouvelles Frontières ;
Jacques Mairé, syndicaliste ;
Dominique Méda, sociologue ;
Jean-Pierre Mignard, avocat ;
Thomas Piketty, économiste ;
Thomas Philippon ;
Thierry Pech, éditeur.

L'appel peut être signé sur http://uneoccasionhistorique.org

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samedi 28 avril 2007

Airbus : un pin's pour chaque salarié.

J'en parlais il y a quelques jours, Noël Forgeard partirait d'Airbus avec près de 8.5 millions d'euros en guise de golden parachute. Dans le même temps, la direction d'Airbus annonce à ses salariés qu'ils n'auront que 5€ de prime d'intéressement cette année, en raison des mauvais résultats de l'avionneur européen. Sachant qu'Airbus compte 57000 salariés, s'il on rapporte les effectifs aux indemnités de départ de N. Forgeard, chacun pourrait repartir avec près de 150€ en poche... Autre petit calcul, 5€ en moyenne x 57000 salariés, la prime d'intéressement va coûter 285000€ à Airbus, soit près de 30 fois moins cher que les 8500000€ de N. Forgeard.

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jeudi 26 avril 2007

Chômage : le thermometre est cassé


Rien ne va plus. Les données sur lesquelles se basent les statisticiens de la DARES (Direction de la recherche et des études statistiques du Ministère de l'emploi) pour calculer le chômage ne ressemblent plus à rien. Si leurs calculs sont bons, la base sur laquelle ils les font ne correspond en rien à la réalité. En France, les données sur le chômage sont obtenus grace à deux sources : les données de l'ANPE et l'enquête emploi de l'INSEE. La sortie de cette dernière a d'ores et déjà été repoussée à l'automne prochain, il ne reste donc que les chiffres de l'ANPE. Mais ceux-ci ne seraient plus exploitables à en croire les statisticiens de l'emploi. On trouve toujours un résultat au bout calcul, mais celui-ci n'a plus grande valeur.

Fait historique, alors que ces chercheurs, statisticiens et chargés d'études sont reconnus pour leur respect inconditionnel du devoir de réserve, ils ont manifesté ce jeudi pour dénoncer l'instrumentalisation par les cabinets ministériels des chiffres du chômage. Un groupe de sociologues, économistes, statisticiens reconnus signe une lettre ouverte à Jean-Louis Borloo pour lui demander, comme le font ses propres agents du Ministère de l'emploi, de ne pas publier les chiffres, publication qui devrait pourtant avoir lieu dans les heures qui viennent. Vous trouverez cette lettre ci-dessous.


Lettre ouverte à Jean-Louis Borloo,

Le gouvernement se targue d'une réussite éclatante dans la lutte contre le chômage : il aurait ramené le taux de chômage "à son plus bas niveau enregistré depuis juin 1983" (J.L. Borloo, communiqué du 29/03/2007).
Le taux de chômage se calcule en France à partir de deux sources, l'enquête emploi de l'Insee et les données administratives de l'ANPE. En janvier dernier, l'Insee rendait publique sa décision de reporter de mars à l'automne 2007 la publication des résultats de son enquête de 2006, qui montre une stabilité du chômage. Mais les raisons invoquées n'ont convaincu ni la communauté scientifique, ni l'Office statistique européen (Eurostat).

Or les données de l'ANPE, à la suite de modifications administratives, ne sont plus en l'état exploitables pour ce calcul et conduisent à une sous estimation forte du taux de chômage.

L'affichage d'un taux de chômage artificiellement bas relève de la manipulation de l'opinion publique, alors que les périodes électorales devraient être des moments de transparence sur le bilan des politiques menées.

Les agents du système statistique de l'emploi ont, depuis plus d'un mois, engagé des actions pour que soit suspendue la publication des estimations provisoires du taux de chômage, afin de défendre leur déontologie professionnelle, la crédibilité de leurs institutions, et d'éviter que la statistique publique soit utilisée pour fausser le jugement des citoyens.

Le jeudi 26 avril 2007, le personnel de la Dares (le service statistique du ministère de l'emploi) fera grève pour s'opposer à la publication du taux de chômage. L'indépendance et la neutralité du système statistique sont une condition du débat démocratique ; c'est pourquoi nous, en tant que chercheurs soucieux de la qualité et de la crédibilité des statistiques concernant l'emploi et le chômage, soutenons l'action des personnels des services statistiques de l'emploi et demandons nous aussi au ministre Jean-Louis Borloo de suspendre cette publication.

Signatures :
Bruno Amable (Cepremap), Florence Audier (CES), Christian Baudelot (ENS), Eve Caroli (Université Paris 10), Jean Cartelier (Université Paris 10), Eve Chiapello (Enseignant chercheur), Denis Cogneau (IRD), Isabelle Collet (Université Paris 10) , Sandrine Dauphin (CNAF), Alain Desrosières (historien de la statistique), Claude Didry (ENS Cachan), Brigitte Dormont (Université Paris 9), Esther Duflo (MIT), Christian Dufour (Ires), Christine Erhel (Université Paris 1), François Eymard-Duvernay (Université Paris 10), Jeanne Fagnani (Université Paris 1), Olivier Favereau (Université Paris 10), Yannick Fondeur (IRES), Patrice Gaubert (Université Paris 7), Jérôme Gautié (Université Paris 1), Bernard Gazier (Université Paris 1), Marc Gurgand (PSE), Michel Husson (IRES), Laura Lee Downs (EHESS), Sylvie Lambert (LEA), Laurence Lizé (CES), Thierry Magnac (Université de Toulouse), Antoine Math (IRES), Gérard Mauger (CSE-CNRS), Eric Maurin (EHESS), Dominique Meurs (INED), Jean-Marie Pernot (IRES), Thomas Piketty (EHESS, PSE), Thomas Philippon (New York University), Edmond Preteceille (OSC), Christophe Ramaux (Université Paris 1), Hyacinthe Ravet (Université Paris 4), Bénédicte Reynaud (ENS), Alexis Spire (Université Lille 2), Olivier Thevenon (Ined), Xavier Timbeau (OFCE), Carole Tuchszirer (IRES), François Vatin (Université Paris 10), Françoise Vouillot (Cnam)."


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samedi 21 avril 2007

Quoi que je fasse, je représente toute ma communauté


« J’ai honte, car mes parents m’ont toujours dit que, quoi que je fasse, je représente toute ma communauté »

Ces mots sont ceux d’une jeune étudiante coréenne de l’Université Virginia Tech aux Etats-Unis, touchée récemment par le drame dont tout le monde a entendu parler. Je ne compte pas revenir ici sur le comportement extrêmement déviant du jeune tueur en série suicidaire, Cho Seung-Hui : à en croire le traitement médiatique, il semblerait que des raisons plus psychologiques que sociologiques soient à même d’expliquer ce geste d’une brutalité extrême. Je ne vais pas aborder non plus la question de la sécurité sur les campus universitaires, si vous voulez lire une bonne note là-dessus, cliquez-ici. Mais je vais plutôt revenir sur le fait que l’étudiante coréenne et deux de ses compatriotes ont hésité plusieurs jours avant de revenir sur le campus sur lequel s’est déroulée la triste fusillade. Il ne s’agissait pas pour elle de peur de représailles. Elles se sont dites, au micro de France-Info jeudi, « honteuses ».

Le poids du collectif dans les sociétés asiatiques
En Corée du Sud, christianisme et bouddhisme sont les deux principales religions, regroupant respectivement 49 et 47% des croyants. Et si seulement 3% de la population se déclarent confucianistes, les valeurs et croyances confucéennes restent encore très prégnantes. Le respect des règles sociales y est primordial puisque tout écart à la norme est susceptible de briser l'harmonie du groupe. Les valeurs que diffuse le confucianisme sont l'ordre, l'obéissance aux aînés (ou aux supérieurs dans un cadre professionnel), dévouement au groupe et défense de la famille. La famille est une unité aux fonctions multiples. Jacques Pimpaneau, sinologue français, établit une liste de ces fonctions pour la famille chinoise, que l'on peut se permettre de transposer au voisin coréen : la famille élargie (pas uniquement père-mère-enfants, ça c'est la famille nucléaire, mais également les grands-parents) est une unité économique, car tous partagent les mêmes terres, une unité communautaire, ils partagent un même toit, une unité religieuse, ils partagent le culte des ancêtres, enfin une unité sociale car chaque membre porte la responsabilité de son groupe. Par extension, la nature des relations à l'intérieur de la famille s'est appliquée aux autres sphères de la société. Tout ceci pour parvenir à comprendre comment une jeune fille coréenne peut ressentir de la honte avec une intensité qu'un occidental n'aurait probablement pas éprouvé aussi fortement. Pour en savoir plus sur le confucianisme, sa version moderne et plus largement les valeurs asiatiques, je vous renvoie à la conférence tenue en 2000 par Anne Cheng à l'UTLS.

Relativisme, universalisme, ethnocentrisme...
Le poids du groupe a été fort dans les sociétés occidentales également. Il l'est peut-être moins maintenant, au profit de l'individu devenu une valeur en soi. Cette montée de l'individualisme a permis à certains auteurs (sociologues, philosophes) de penser que nous étions entrés dans une "post-modernité". D'autres n'ont pas tant vu la montée de l'individualisme que le déclin des institutions (François Dubet) et parlent plus volontiers d'une deuxième modernité, pour éviter la connotation péjorative de la première formule. Toujours est il que ceux qui pensent que les cultures s'uniformisent avec la mondialisation en sont pour leurs frais : la culture(1) est d'une complexité inouïe, elle se défend, se transforme, elle connaît un perpétuel changement. Les réactions ethnocentriques d'incompréhension de tel ou tel comportement, de telle ou telle valeur sont quotidiennes, et apportent en creux la preuve que les cultures sont différentes. Bien sûr il faut rester vigilant, l'incompréhension est souvent la source de l'intolérance (bientôt une note sur le "choc des cultures" :-))).

En illustration, je ne saurai trop vous conseiller cette note particulièrement intéressante pour qui la lit avec un regard sociologique : il s'agit d'un jeune américain d'origine malaisienne, qui connaît parfaitement les valeurs partagées par ses "voisins" coréens (Kuala-Lumpur - Séoul : 4592km à vol d'oiseau) , mais qui comprend sans comprendre pourquoi une nation entière présente ses excuses pour les actes d'un seul homme. Les mystères de l'acculturation...

(1) La culture se comprend dans cette note au sens de Edward B. Tylor : "un tout complexe qui inclut les connaissances, les croyances, l’art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les autres aptitudes et habitudes qu’acquiert l’homme en tant que membre d’une société"

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samedi 14 avril 2007

C'est Noël avant l'heure... ou l'histoire d'une double injustice

Elle est facile, je l'avoue. Mais pour Noël, c'est quand même Noël avant l'heure : beau cadeau que ce golden parachute évalué entre 6 et 8.5 millions d'euros... De quoi est-il composé exactement ? Une clause de non-concurrence qui, s'il la respecte, est rémunérée à hauteur de 50% de son salaire, et en plus deux années de salaires en guise de prime de départ, en sachant que l'ex-dirigeant d'EADS a touché 2,33 millions d'euros brut pour l'année 2005. Voilà comment on dépasse les 6 millions d'euros. Ca vous parait beaucoup ? Pour avoir un ordre d'idée, 2.33 millions d'euros c'est environ ce que gagnait Zinedine Zidane en deux mois (2005). Toujours pour les ordres de grandeur, notre Zizou gagnait en un an ce que gagnerait un RMiste en... 3000 ans. Mais cette petite prime de départ ne doit pas faire rougir Noël Forgeard car elle le place facilement dans le Top5 français.

Comment justifier de telles inégalités ?
Des inégalités de revenus aussi grandes sont elles justes ? On est tout de suite tenté de dire non. Rappelons que le seuil de pauvreté en France est situé aux alentours de 645€, qu'un SMIC à temps plein en rapporte 1254, donc un smicard français à mi-temps vit sous le seuil de pauvreté. Rajoutons à cela que la pénibilité du travail se situe plus du côté de l'ouvrier siderurgiste de MittalSteel que du PDG de l'aeronautique. Est-ce la prise de risque qui justifie alors de tels salaires ? On voit ici clairement que non puisque sa prime de licenciement va permettre à N. Forgeard de voir les mois qui viennent avec une certaine sérénité.

Mais c'est plus compliqué que cela. De telles sommes ne servent pas (que) à acheter des collections de voitures de luxe, à réaliser des dépenses somptuaires. Une bonne partie est réinjectée directement dans l'économie. Il faut voir que ces fonds vont pouvoir servir l'investissement, donc permettre la recherche, l'innovation, l'amélioration des gains de productivité. Il va donc y a avoir des effets sur les salaires, sur la compétitivité des entreprises, sur les recettes de l'Etat, sur la croissance, donc sur l'emploi... Il s'agit là d'un cercle vertueux bien connu, reste encore à faire en sorte qu'il se réalise. Et il est permis d'en douter dans la mesure où, depuis que Jean-Marie Messier avait lancé la mode des parachutes dorés, on ne voit point les résultats salutaires des investissements des grands patrons. De tels écarts entre une poignée d'individus et le commun des mortels restent difficilement justifiables.

Comment justifier les cadeaux pour les patrons incompétents ?
Difficile à justifier d'autant plus que l'on ne comprend pas au nom de quoi Noël Forgeard - et d'autres avant lui - devrait se voir gratifier pour une oeuvre des plus discutables. Il faut bien comprendre pourquoi et comment nous en sommes arrivés à des situations où les grands managers quittent leur entreprise chargés de millions.

Tout part du milieu des années 70. Après la guerre et pendant trois décennies, la part des profits dans la valeur ajoutée a chuté à mesure que celle des salaires a augmenté. La crise, à partir du milieu des années 70, a profondément remis en cause cela. Le libéralisme est revenu en force, le keynesiannisme s'est vu profondément critiqué, l'actionnariat légitimé. Le chômage de masse a remis en cause le rapport de force entre salariés et patronnat. L'accession progressive des ménages aux marchés d'actions a contribué à cette légitimation de l'actionnariat. Dès lors que les actionnaires reprennent la main dans les entreprises, c'est la rentabilité maximale qui est visée. Une théorie économique va accompagner ce retour de l'actionnaire : c'est la théorie de l'agence. Dans la relation d'agence il y a un contrat : l'actionnaire charge le manager d'éxécuter en son nom la gestion de l'entreprise, mais les intérêts du manager ne sont pas forcément ceux des actionnaires (un grand patron a intérêt à accroître son pouvoir et son prestige, mais les dépenses engagés par l'entreprise dans ce but vont à l'encontre de sa recherche de rentabilité). Pour contraindre le manager à suivre les intérêts des actionnaires, on l'incite à remplir certains objectifs grace à des stock-options ou des golden parachutes.

Noël Forgeard, ancien conseiller pour les affaires industrielles de Jacques Chirac, fait actuellement l'objet d'une enquête par l'Autorité des Marchés Financiers pour une suspicion de délit d'initié : N. Forgeard a réalisé une plus-value de 2.5 millions d'euros en vendant les actions Airbus qu'il détenait et ce deux semaines avant l'annonce du retard pris par le programme de l'A380. Airbus est la première filiale d'EADS. Les conséquences du retard pris par l'A380 ont conduit les actuels dirigeants à proposer un plan de restructuration Power8 prévoyant la suppression de 10 000 emplois et la vente de 3 usines dans les cinq années à venir. Peut-on parler de bonne gouvernance d'entreprise dans ces conditions ? Comment peut-on encore justifier des indemnités de ce montant là ? La question reste ouverte.

Pour conclure cette note, encore un peu longue, rappelons que Louis Gallois, ancien Pdg de la SNCF qui a pris la tête d'Airbus et a remplacé Noël Forgeard à la co-présidence française d'EADS (l'autre co-président est Allemand), a demandé à ce que son salaire ne dépasse pas 188 000€/an, soit 13 fois moins que son prédécesseur.

Update : Olivier Bouba-Olga parle de la rémunération des patrons sur son blog

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vendredi 13 avril 2007

De la loterie à la tromperie


La semaine dernière la Cimade a rendu public un rapport : De la loterie à la tromperie. Il s'agit d'une enquête sur les conditions d'application de la circulaire du 13 juin 2006, signée par N. Sarkozy, relative à la régularisation des familles étrangères d'enfants scolarisés. Avant son application, l'annonce de cette circulaire avait redonné espoir à des milliers de familles. De nombreux collectifs RESF se sont constitués un peu partout en France, les associations se sont mises au travail pour épauler les familles dans leurs démarches administratives. Oui mais voilà, c'était sans compter sur le parcours d'obstacle administratif, le médiateur pompier-pyromane Arno Klarsfeld, les critères appliqués de façon arbitraire, dans un manque de transparence manifeste. En 50 pages, ce rapport retrace de manière simple, dépassionnée, efficace et insoupçonnable, le quotidien de familles étrangères humiliées par l'injustice. Il était censé interpeller les candidats à la présidentielle, mais force est de constater que le sujet n'émerge guère dans le débat.

Et pourtant, nous avons besoins d'eux.
François Héran, à la tête de l'Institut National des Etudes Demographiques (INED) depuis 1999, tente régulièrement de faire tomber les préjugés sur l'immigration. En 2004 il avait signé un numéro de Population et société (le bulletin mensuel de l'INED) dans lequel il revenait sur 5 idées reçues sur l'immigration.
  1. La France n'est pas un pays d'immigration massive.
  2. Le taux de fécondité n'est pas massivement dû aux familles immigrées.
  3. L'immigration irrégulière n'est pas innombrable.
  4. La statistique publique n'est pas impuissante pour comptabiliser les immigrés.
  5. Accueillir l'immigration ne signifie pas accueillir la misère du monde.
Il vient de publier dernièrement Le temps des immigrés à la République des idées. Toutes les projections démographiques montrent que l'immigration va devenir à la fois le principal facteur de croissance de la population, mais aussi une solution pour pallier les nombreux départs à la retraite des papy-boomers. Selon les projections de l'INSEE, alors qu'en 2005 la France comptait 2.2 actifs pour un inactif, il n'y aurait plus que 1.4 actif pour 1 inactif en 2050. Et ce vieillissement de la population n'est pas tant dû à un taux de fécondité faible - certes les enfants du baby-boom n'ont pas suivi l'exemple de leurs parents - puisque celui-ci a presque atteint le taux de renouvellement des générations (2.1 enfants/femme) avec 1.94 enfant/femme (champion d'Europe !). Non le vieillissement de la population française est plutôt la conséquence de l'allongement de l'espérance de vie : c'est frappé au coin du bon sens, mais ça va mieux en le disant. En clair, il ne suffirait pas d'un nouveau baby-boom pour régler notre problème.

Dominique Reynié, polititologue au CEVIPOF, rappelait très justement ces derniers jours sur le plateau de C dans l'air qu'il y avait un choix politique à faire entre l'augmentation de l'âge à la retraite ou l'accueil massif d'une population immigrée pour faire face à la diminution de la population active française dans les 40 années à venir. Ce choix est un véritable choix de société, qui fait clivage entre la gauche et la droite dans ce pays. A chacun de choisir son camp.

Update : Daniel Schneidermann parle du rappot de la CIMADE sur le BigBangBlog ici et encore ici.

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jeudi 12 avril 2007

CPC ?


On vous parle de CPC, et vous pensez à votre vieil Amstrad. Ordinateurs révolutionnaires, jaune sur bleu pour les premiers écrans couleurs, processeurs 4Mhz et lecteurs de disquettes 3", ils fleurissaient sur les bureaux des années 80. Alors, CPC 464 ou CPC 6128 ?

Raté ! Le CPC c'est le Contrat Première Chance, contrat évoqué par Ségolène Royal lors de sa conférence de presse du 4 avril dernier, censé rapprocher les jeunes non qualifiés de l'emploi.

Quasiment un an jour pour jour après le retrait du CPE, les réactions n'ont pas tardé, notamment de la part des organisations de jeunesse. Les jeunes UMP d'abord ; dans la mesure où cette annonce est celle de la candidate PS, il fallait bien riposter. Mais on a également entendu des réactions à gauche, au MJS et à l'Unef pour ne citer qu'elles. Depuis lors, la candidate s'est efforcée, par la voix de Dominique Méda, la sociologue de l'emploi à qui elle a demandé de préparer ce projet, d'expliquer en quoi cela consistait vraiment. Erreur de communication politique, dans une campagne où aucun thème ne fait la une plus de 36 heures, il aurait fallu expliquer clairement dès l'annonce en quoi le CPC n'était pas "un CPE de gauche", et ne pas attendre 3 jours. Car le vendredi 6 avril, après la publication du rapport de D. Méda, les mêmes organisations qui avaient crié sans avoir mal se sont retrouvées à expliquer que leurs inquiétudes s'étaient envolés. Mais les medias étaient déjà passés à l'eugénisme de Nicolas Sarkozy, il était trop tard.

Le CPC n'est pas le CPE
Quelles sont les différences ? En premier lieu le CPC ne concerne pas l'ensemble de la jeunesse, il ne stigmatisme pas une génération entière de la population comme aurait pu le faire le CPE. Cette "convention de parcours" cible précisément les 120000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans aucune qualification autre que le brevet de fin de 3ème. Autrement dit ceux dont la survie sur le marche du travail est plus que compromise : 42% des jeunes non qualifiés sont encore au chômage trois ans après leur sortie du système éducatif, le chiffre tombe à 21% pour les titulaires de BEP/CAP, 11% pour les diplômés du supérieur. Le diplôme est encore le meilleur rempart contre le chômage. Preuve s'il en est, même pour les emplois les moins qualifiés, les jeunes les plus diplômés évincent ceux qui n'ont aucune qualification, job étudiant à l'année ou saisonnier.

Par ailleurs, les chiffres du Ministère de l'éducation nationale nous montrent qu'en 2004, quand 721 000 jeunes sortent du système soclaire, 118 000 n'ont aucun diplôme autre que le brevet de fin de 3e en poche, soit 16.4%. Plus globalement, en ce qui concerne la faiblesse des niveaux de formation de la population active, la France se situe très loin derrière le Royaume-Uni, et loin derrière l'Allemagne et les pays d'Europe du Nord. Rappelons que la "stratégie de Lisbonne", visant à faire de l'Europe une économie de la connaissance en 2010 fixe l'objectif de 10% de sortie précoce du système scolaire, pas plus. 2010, c'est dans deux ans et demi. Il y a donc une pertinence à cibler ces jeunes dont les taux de chômage n'ont rien de comparable avec ceux des jeunes diplômés.

Le CPC n'est pas le CPE aussi et surtout parce qu'il n'y a pas de licenciement possible sans sa justification par une "cause réelle et sérieuse". Or c'était là la principale critique adressée au CPE par la jeunesse mobilisée en 2006. Si l'employeur vient à se séparer abusivement du jeune recruté, donc à rompre la convention passée avec le jeune et les pouvoirs publics, il devra rembourser l'intégralité des aides publiques reçues. Cette disposition devra permettre de limiter les effets d'aubaine suscités par la mesure.

Enfin, le CPC n'est pas le CPE parce qu'il s'agit avant tout d'une convention s'appuyant in fine sur un contrat de droit commun : trois mois après l'embauche d'un jeune non qualifié, un bilan est réalisé avec son référent externe nommé par la Région, son employeur et lui-même. A partir de ce bilan est établi le niveau de formation requis pour être pleinement qualifié pour le poste qu'il occupe : contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, voire CDI si aucune formation particulière n'est requise. Au bout de douze mois, les contrats poursuivent dans les conditions habituelles du code du travail.

Combien ça coute ? Encore un contrat supplémentaire ?
"C'est bien joli un système comme celui-ci, mais combien ça va encore nous coûter..." : la rémunération d'un jeune, les cotisations sociales, le référent externe qui accompagne le jeune, etc... Les concepteurs de ce projet le chiffre pourtant à moins d'un milliard d'euros, car s'appuyant fortement sur une réorganisation des dispositifs existants, et surtout une redistribution différentes des 65 milliards d'euros d'aides perçues par les entreprises en provenance des pouvoirs publics. On peut penser que l'économie des revenus de transferts, revenus de solidarité perçus par cette population pourrait être substantielle. Pour information, si un Ministère de l'aide aux entreprises existait en France, il serait doté du plus gros budget, juste devant l'éducation nationale.

Les entreprises cibles sont les TPE, entreprises de moins de 10 salariés, parce qu'elles sont très présentes dans les secteurs dit "en tension" c'est-à-dire en pénurie de main d'oeuvre. Ce sont elles qui, à l'heure actuelle, embauchent le plus tout en rencontrant des difficultés pour trouver une main d'oeuvre dont la qualification peut tout à fait s'acquérir par l'apprentissage. Il s'agit de l'hotellerie-restauration et du BTP. Les limitations à un jeune non qualifié par entreprise et aux seules entreprises de moins de 10 salariés devraient là aussi permettre de limiter considérablement les effets d'aubaine.

Engager des vraies réformes structurelles
Le mérite d'une telle démarche c'est quelle est la composante d'une double réforme qui consisterait à :
Repenser le rôle des Régions qui prendraient là une place encore plus importante notamment dans le domaine de l'emploi. Il y a une vraie pertinence à décentraliser ces questions à des échelles plus restreintes que l'Etat, pour des questions de cohérence avec les bassins d'emploi, des questions de coordination avec les différents acteurs de l'insertion, de la formation professionnelle, acteurs que les Régions connaissent déjà bien.
Repenser les dispositifs d'entrée dans l'emploi, l'idée originale est de ne pas faire du CPC un contrat aidé supplémentaire mais un point de départ afin de décomplexifier les dispositifs d'aide consistant à rapprocher les actifs inoccupés de l'emploi. "Les employeurs se verraient ainsi proposer plus qu'un seul modèle d'emploi aidé, dont l'intensité d'aide serait variable en fonction de la distance à l'emploi du bénéficiaire", le CPC constituant la configuration maximale d'intensité d'aide.


On est donc bien loin du CPE. Depuis, François Chérèque (CFDT), Bruno Julliard (UNEF) l'ont reconnu. Ces deux organisations se sont dites rassurées, voire intéressées par la formule. Mais bien peu de média font écho de cela. Par exemple, Jean-Michel Aphatie (RTL, Canal+) est persuadé de sa pertinence de commentateur politique quand il nous apprend que certains dirigeants socialistes ont renommé le CPC Contrat Première Connerie. Pourquoi n'a-t-il pas préféré opposer les propositions des différents candidats en matière d'insertion des jeunes non qualifiés, pour nous montrer quelles sont les philosophies qui les sous-tendent ? Non, il a préféré une petite phrase de couloir. Mais où est le fond dans tout ça ? Vous me direz, on est peut-être pas loin de le toucher...

Update
Retrouvez Benjamin Vetelé, vice-président de l'Unef, interrogé par LCI sur le CPC.


Update 2
Jacques Auxiette, Président de la Région Pays de la Loire, nous livre sur son blog ses impressions sur le Contrat Première Chance

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mercredi 11 avril 2007

Pourquoi ce blog ?

Encore un blog
Après quelques mois d'hésitation, je passe à l'action. Probablement l'échéance électorale qui se profile dans un peu plus d'une semaine est à l'origine de ce blog. Mais c'est surtout ce sentiment désagréable qu'il est devenu particulièrement difficile de comprendre quels sont les enjeux, les clivages, d'où viennent les idées, quels sont les projets qui nous sont proposés, qui a motivé sa création.

Envie de comprendre, d'expliquer, de lancer des pistes de réflexion sur les questions économiques et sociales, et leurs réponses politiques, qui font ce que nous sommes, qui font la société telle qu'elle est. Envie aussi de prendre du recul, de confronter la théorie (sociologique, économique, politique) à la réalité, de partager des réflexions, des idées, de discuter.

Retour sur la campagne
J'ai l'impression que depuis bien longtemps nous n'avions pas eu un choix aussi clair à faire entre plusieurs projets de société. En effet, souvenirs de 2002, préserver la démocratie, voter Chirac : pas de choix. Et dans le même temps, j'ai l'impression que pour bon nombre d'entre nous, il n'a jamais été aussi difficile de réunir toutes les cartes en main pour faire ce choix. Quelques amis vous avouent, au détour d'une conversation, qu'ils ne savent pas très bien pourquoi, pour qui ils iront voter. Tel candidat n'est pas convaincant, ils iront plutôt voter pour untel, mais sans plus de conviction. Comme si ce vote serait un vote par défaut, en creux.

Alors certes il est un peu tard, à une douzaine de jours de l'échéance, pour prétendre apporter un éclairage, poser les questions qui feront influer le choix des uns, des autres. Et de toutes façons ça n'est pas ce blog, perdu dans la masse, participant au cyberbruit entourant la campagne, qui fera beaucoup avancer les choses. Je ne me fais pas d'illusion quant à l'audience qu'un tel site pourra recueillir, elle sera certainement très faible. Mais une voix, plus une voix, plus une voix, ça fait du "buzz" :-) Comme un relais, une participation à la caisse de résonnance qu'est internet ; ce blog pourra porter quelques messages et, je l'espère, vous faire découvrir quelques petites choses (sinon, à quoi bon ?).


J'ai l'ambition, sûrement démesurée, de contribuer à rétablir quelques vérités quand les mass medias sont (souvent) trop simplistes, ne prennent le temps ni de comprendre, ni d'expliquer, voire sont complètement à côté de la plaque. Ils sont nécessaires ces médias, mais ils ont parfois tendance à ensevelir une information au profit d'une autre, à nous priver des analyses de fond si précieuses pour se contenter de la surface des choses, de nous rapporter que la forme.

Ambition également de parvenir à tordre le cou de certains préjugés, parfois profondément ancrés dans notre culture, dans notre vision du monde. Point besoin de media, le processus de socialisation dans la famille ou à l'école suffit pour faire passer de génération en génération des fausses idées, des représentations érronées de la réalité, qui sont la source de certaines peurs et qui peuvent conduire à l'incompréhesion, l'intolérance voire même la peur de l'autre. Il existe de nombreux préjugés d'un point de vue social, mais également d'un point de vue économique : il suffit parfois de rétablir quelques ordres de grandeurs, de publier quelques chiffres, de démonter quelque mécanisme pour faire tomber tout un raisonnement qui se voulait pourtant tellement impossible à contredire.

Derniers éléments
Ce blog ne va donc pas s'éteindre au lendemain de l'élection présidentielle, bien au contraire. Le srutin national est certes le déclencheur, mais n'est pas l'objet central des discussions ici. C'est au gré de l'actualité, des parutions scientifiques intéressantes, des prises de décisions, des évènements politiques, sociaux, économiques ou culturels, que des billets apparaîtront ici. Enfin il faut savoir que cet espace n'a pas vocation à être strictement personnel. Il faut comprendre par là qu'il peut très bien être animé à plusieurs, devenir un espace collaboratif, je susi ouvert à toutes les propositions dans ce sens.

Persuadé que les questions économiques et sociales doivent occuper une place centrale dans nos existences si l'on veut parvenir à atteindre un "vivre ensemble" acceptable, j'espère que vous trouverez ici quelques réponses à des questions que vous pouvez vous poser, et pourquoi pas quelques questions que vous ne vous seriez jamais posées.

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